Revêtement anti-adhérent par sol-gel comme solution pour l'anti-encrassement et antifouling durable
Les concepts à la base de ces différentes propriétés peuvent différer mais leur objectif est le même : limiter l’accumulation sur la surface d’espèces, composés ou micro-organismes impactant leur durabilité esthétique ou fonctionnelle.
Ainsi des matériaux anti-graffiti, anti-verdissement (mousses), antigivre, antibuée, antibactérien ont vu le jour : les applications de ces nouveaux revêtements issus de la recherche et développement foisonnent dans les secteurs industriels.
Un des points faibles de certaines pistes proposées reste cependant la durabilité du traitement. Par exemple, l’effet lotus bien connu, a donné lieu à l’élaboration de surfaces superhydrophobes dont la résistance mécanique est cependant faible. Certaines technologies ne sont pas adaptées aux conditions d’exposition sévères rencontrées par les matériaux comme les applications aéronautiques par exemple.
Les revêtements sol-gel comme revêtements durables
Materia Nova et ESIX développent et testent quotidiennement des nouveaux revêtements de type sol-gel destinés aux secteurs du bâtiment, de l’automobile et de l’aéronautique, du luxe ou encore de l’énergie comme l’optimisation des systèmes de refroidissement des centrales électriques.
Les procédés sol-gel (pour solution-gélification) permettent par polymérisation la formation de revêtements vitreux, durables, à base d’oxydes métalliques. Applicables comme une peinture, les sol-gel nécessitent souvent un traitement thermique pour atteindre leurs propriétés finales même si d’autres voies sont aujourd’hui explorées, comme la réticulation sous UV.
Le mot « sol-gel » est l’abréviation de « solution-gélification ». La recherche sur ce type de matériaux est motivée par la pureté des réactifs et la faible température de traitement. La synthèse de verres, de céramiques et de composés hybrides organo-minéraux peut être élaborée grâce à cette technique, à partir de précurseurs en solution. Ces précurseurs peuvent être de différentes natures : composés minéraux (oxydes, hydroxydes, halogénures…) ou organométalliques (acétates, carboxylates ou alcoxydes métalliques). Le procédé sol-gel appliqué à la formulation de revêtement est souvent basé sur des réactions d’hydrolyse et condensation de précurseurs organométalliques de type M(OR)n. De nombreux métaux (M) peuvent être utilisés dans le procédé sol-gel, toutefois, les plus fréquents sont le silicium, le zirconium ou encore le titane. R représente un groupement alkyle -CnH2n+1. En général, le procédé sol-gel s’effectue à température ambiante et donc nettement plus basse que celles utilisées pour les voies classiques de synthèse. Comme mentionné, le procédé sol-gel commence avec une solution homogène d’un ou plusieurs alcoxydes en phase liquide. Certains des alcoxydes métalliques peuvent réagir avec l’eau à travers des étapes d’hydrolyse puis de condensation pour former des gels. Les alcoxysilanes sont immiscibles dans l’eau, cependant les gels peuvent, dans certains cas, être préparés sans ajout de solvant additionnel à l’eau car l’alcool produit comme sous-produit de l’hydrolyse est suffisant pour homogénéiser le système initialement immiscible.
Les réactions d’hydrolyse et de condensation sont généralement catalysées par un acide ou une base suivant le précurseur utilisé. Par après, la viscosité de la solution augmente jusqu’à l’obtention d’un gel. L’état de gel est atteint lorsqu’au niveau macroscopique ce dernier paraît solide.
La principale finalité de la synthèse sol-gel est l’obtention de couches minces et il existe une multitude de méthodes de déposition des solutions. L’utilisation de l’une ou l’autre méthode dépendra de la nature, de la taille et de la forme des substrats à recouvrir. Egalement, le sol, liquide, permet d’envisager la réalisation de films de quelques nanomètres à plusieurs dizaines de micromètres d’épaisseur.
Industriellement, les méthodes les plus couramment utilisées sont :
• Le spray-coating (pulvérisation) ;
• Le spin-coating (centrifugation) ;
• Le roll-coating (application par rouleau) ;
• Le dip-coating (trempage-retrait).
Un des avantages principaux des revêtements sol-gel est leur excellente adhérence sur des surfaces métalliques de type acier, Zn, Al, etc. après réticulation. Celle-ci est due à la formation de liaisons covalentes entre les alcoxy métalliques du sol et les groupements hydroxyles présents à la surface du métal comme illustré dans le schéma de la figure 1 (en jaune). Les fonctions non hydrolysables (groupements entourés en rouge et en vert) contribuent à la flexibilité du réseau (augmentation du caractère organique), à lui conférer des fonctionnalités spécifiques (longues chaînes hydrophobes) ou à favoriser l’accroche d’un top-coat.
Suivant les propriétés finales désirées (propriétés barrières, mécaniques, conductivité…), il est possible d’adapter et/ou de combiner différents précurseurs. Les revêtements sol-gel hybrides organiques-inorganiques à base de siloxanes ont été largement étudiés dans la littérature démontrant une efficacité en termes de protection anticorrosion sur différents métaux. D’autres précurseurs tels que ceux à base de zirconium ou d’aluminium améliorent plutôt la dureté, la résistance à la griffe et donc les propriétés mécaniques des couches. Il est important de signaler que la stabilité des solutions dépend fortement de la nature des précurseurs choisis, certains étant reconnus comme étant plus réactifs que d’autres et de la nature et de la quantité de solvant de la solution sol-gel. L’ajout d’additifs, de charges et de pigments est également envisagé pour moduler les propriétés des revêtements en termes de performances ou de structure (micro/nano structuration).
Différentes voies peuvent être envisagées pour conférer les propriétés hydrophobes aux revêtements sol-gel : jouer sur la structuration, texturation de la couche ou sur ses propriétés chimiques. Suivant l’application visée il est préférable d’utiliser une voie plutôt qu’une autre.
Quelques applications des fonctionnalités anti-encrassement
Materia Nova participe à de nombreux projets sur le développement de sol-gel comme solution anti-encrassement et antifouling : pour la durabilité esthétique des bâtiments extérieurs (projet DAO – Pôle Mecatech, projet coordonné par CRM-GROUP), les échangeurs thermiques (projet H2020 – MATCHING), l’anticontamination pour les bords d’attaque des avions (projets CLEANSKY CHOPIN -voir article dans ce même numéro - et STELLAR et projet SKYWIN LAWITECS), etc.
La technologie sol-gel permet l’obtention de revêtements robustes offrant une bonne résistance mécanique tout en étant flexible. Les applications aéronautiques sont souvent exigeantes en termes de résistance à l’abrasion ou à l’impact. Les solutions sol-gel sont parmi les plus prometteuses pour répondre à ces cahiers des charges tout en offrant des propriétés d’auto-nettoyabilité efficaces.
Sol-gel et antifouling
Le développement indésirable de couches microbiennes sur les surfaces, est un défi omniprésent pour les échangeurs de chaleur utilisant de l'eau de mer ou même de l'eau douce comme fluide de refroidissement. Comme il est pratiquement impossible de maintenir complètement stérile un système industriel typique, les micro-organismes présents sur les surfaces seront toujours présents, attendant des nutriments pouvant même être inorganiques. Les micro-organismes peuvent être considérés comme des pseudo-particules pouvant se multiplier. Même si plus de 99% des bactéries sont éliminées, quelques-unes adhèrent aux surfaces et se multiplient aux dépens des substances biodégradables (par exemple l’acier). Outre la dégradation du matériau lui-même, l'accumulation de micro-organismes, d'algues, de plantes ou d'animaux sur les surfaces de transfert de chaleur affecte à la fois la perte de charge et le transfert de chaleur. Le projet H2020 MATCHING vise à lutter contre l’encrassement des condenseurs de surface par des revêtements antisalissure ou anti-encrassement, dans le cadre de son objectif général de réduction de la consommation d’eau de refroidissement des centrales thermiques, en particulier dans les zones de pénurie d’eau.
Une solution potentielle consiste à utiliser des revêtements anti-encrassement. Il s’agit d’une alternative respectueuse de l’environnement aux revêtements antisalissures biocides et aux navires (appliqués sur les bateaux utilisés régulièrement ou nettoyés régulièrement par un plongeur). Ils ne réduisent pas nécessairement la croissance de l'encrassement, mais ils permettent une faible adhérence de l'encrassement et permettent au flux de le décoller (contrôle de la rugosité de la surface).
Les solutions envisagées dans ce projet combinent la propriété hydrophobe et l’incorporation d’agents antifouling. Materia Nova s’est spécialisé dans la chimie des peptoïdes comme voie non toxique et innovante de réduction de biofouling. Les composés peptoïdes peuvent être conçus pour agir en tant qu'antimicrobiens inhibant la formation de biofilm. Le principal avantage des peptoïdes est qu’ils résistent à la protéolyse et ne sont pas dénaturés par la température ni par dégradation biologique par des protéases ou des dénaturants chimiques tels que l’urée. Ainsi, ils seront beaucoup plus adaptés comme agent dans des revêtements devant durer plusieurs années et conserver une efficacité anti-encrassement.
Différentes revêtements sol-gel ont été développés et caractérisés à l’échelle laboratoire ou sur pilote. Des tests en présence d’algues, réalisés en conditions macroscopiques, permettent de mettre en évidence le plus faible encrassement des surfaces traitées par sol-gel par rapport à celles (inox 304) non revêtues.
En fin de test (2 mois), le revêtement même mince (~ µm) est intact et son caractère hydrophobe conservé de même que sa facilité de nettoyage. Même si l’inhibition de la croissance de micro-organismes n’est pas totale, il est important de préciser que le revêtement confère une fonctionnalité easy-to-clean durable.
Cet article est paru dans le VOMinfo d'avril 2020, édition 02/2020